UPIE



Lacroix : Statistiques du département de la Drôme 1835



UPIE



UPIE. - Distant de Chabeuil de 11 kilomètres, de Valence de 20, et du Rhône de 15, ce village est au pied du mont de Miéry, et cet ancien nom, tout corrompu qu'il est, rappelle le souvenir du consul Marius et le camp établi à Upie et dans les environs, lorsque Marius, l'an 650 de Rome (103 ans avant J. C.), s'opposa dans cette partie de la Gaule au passage des Teutons et des Ambrons.
Au sommet du mont de Miéry sont les vestiges d'un fort, et au-dessous une esplanade où l'on reconnaît les traces d'un camp ou d'un poste militaire. Aujourd'hui encore, on nomme Champ-de-la-Bataille la plaine qui est au levant du mont de Miéry, et tout près de là on trouve un tertre élevé de main d'homme, coupé à son extrémité orientale par le chemin de Chabeuil à Crest. Il a environ 50 mètres de circonférence sur 8 de hauteur, et d'après la tradition populaire, conforme en cela aux recherches et au sentiment de quelques savans, ce seraient des tombeaux qui se rattacheraient à la défaite des Cimbres.
Un Anglais y fit faire, en 1787, des fouilles qui produisirent, dit-on, des urnes, des statues, des vases, des bagues et surtout des armes. Ce qu'il y eut néanmoins de plus curieux, dit-on encore, fut l'ornement principal d'un thyrse de quelque prêtre de Bacchus. Il était de bronze, damasquiné en or. Le jugement de Pâris était représenté sur l'une de ses faces, et une bacchanale sur l'autre. Tout fait présumer que si l'on continuait les fouilles à une certaine profondeur, on trouverait des choses précieuses qui mériteraient peut-être de fixer l'attention des savans.
J'ai visité moi-même plusieurs fois ce tumulus vraiment remarquable, mais les fouilles que j'ai fait faire à la surface n'ont produit que des ossemens humains. J'ai cru reconnaître que les cadavres avaient été amoncelés en couches séparées entre elles par d'autres couches successives de combustible et de chaux vive. On voit dans un ordre assez constant des ossemens, de la chaux et du charbon, recouverts d'un peu de terre. Ce charbon se réduit en pâte quand on le presse entre les doigts. Au nord-est et à 2 ou 300 toises de l'autre côté du chemin, on trouve l'emplacement d'un autre tumulus, appelé dans le pays le tombeau des sept princes. Il en reste peu de vestiges, parce que, depuis longues années, le propriétaire tend sans cesse à niveler son champ en labourant et étendant la terre de cet ancien tertre.
On a trouvé dans les environs des cercueils de pierre, dont un a été transporté près de l'église d'Ourches. Il est d'un grain aussi fin que le marbre et susceptible d'un aussi beau poli. Sur l'une des faces est gravée une hache avec ces trois lettres S. A. D., qu'on a expliquées par ces mots : Sub asciâ dedicavit. Au-dessous était une inscription presque entièrement effacée.
Dans l'église paroissiale d'Upie, qui, du reste, n'a rien de remarquable, on lit sur une des colonnes l'inscription suivante :
CONSTAN TI AVG PII FILIO
La population, qui se compose de 1,323 individus, est entièrement agricole et en plus grande partie éparse dans la campagne. On n'en compte guère que 400 au chef-lieu.
Il se tient à Upie trois foires par an. Il y a des fabriques de tuiles et de poterie.
C'est la patrie de Jean-Paul Didier, né le 25 juin 1758, mort le 10 juin 1816. Il fit ses premières études à l'université de Valence, fut avocat au parlement de Grenoble, directeur, sous le consulat, de l'école de droit de cette ville, et au retour des Bourbons, en 1814, maître des requêtes au conseil d'état et membre de la légion-d'honneur. Après les cent jours, il cessa de faire partie du conseil d'état, et en mai 1816, il dirigea en Dauphiné un mouvement tendant à changer la forme du gouvernement. Traduit devant la cour prévôtale de Grenoble, il fut condamné à mort le 9 juin 1816 et exécuté le lendemain (1) (1) Extrait des minutes du greffe de la cour de justice criminelle de Grenoble.
Le 9 juin 1816, arrêt de la cour prévôtale du département de l'Isère, séant à Grenoble, présens MM. Jacquemet, président ; le colonel Planta, prévôt ; Vigne, Allemand-Dulauron, Piat-Desvial et Laurent Duchesne, juges ; Romain Mallein, procureur du roi ; qui déclare Paul Didier, natif d'Upie, arrondissement de Valence, département de la Drome, ancien avocat et maître des requêtes au conseil d'état, membre de la légiond'honneur, résidant ci-devant à Grenoble et ayant son dernier domicile à Paris, âgé d'environ 58 ans, coupable d'avoir, dans les premiers jours du mois de mai 1816, formé et dirigé un complot ayant pour but 1° de détruire ou de changer le gouvernement ; 2° d'exciter les citoyens ou habitans à s'armer contre l'autorité royale ; 3° d'exciter la guerre civile, en portant les citoyens ou habitans à s'armer les uns contre les autres ; 4° de porter la dévastation, le massacre et le pillage dans plusieurs communes et notamment dans la ville de Grenoble ; d'avoir, par suite dudit complot, levé et organisé, fait lever et organiser plusieurs bandes ou réunions d'hommes séditieusement armés, de les avoir rassemblés en la commune d'Heybens, vers le soir et pendant la nuit du 4 au 5 dudit mois de mai, et de les avoir dirigés contre la ville de Grenoble pour l'attaquer et s'en emparer, et enfin d'avoir, étant à la tête d'une desdites bandes, fait résistance sous les murs de Grenoble aux troupes du roi envoyées contre elles pour repousser leur attaque.
Et attendu que les faits déclarés constans par la cour constituent les crimes prévus par les articles 87, 91, 96 et 97 du Code pénal ;
La cour condamne P. Didier à la peine de mort et aux frais, ordonne qu'il subira sa peine sur la place publique dite du Breuil de cette ville.
L'arrêt a été exécuté sur la place dite du Breuil (la place Grenette), le lendemain 10 juin 1816, à 11 heures précises du matin, ainsi qu'il résulte du procès-verbal dressé ledit jour par le commis-greffier Deschaux.
. Devant ce tribunal, il refusa de s'expliquer sur le but de son entreprise, sur le gouvernement qu'il voulait substituer au gouvernement existant ; mais on conjectura alors et depuis qu'il agissait au nom d'un parti qui pensait que la maison d'Orléans pouvait seule fermer l'abîme des révolutions et consolider le régime constitutionnel fondé par la charte.

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